Mollières et le Parc national du Mercantour
Tout le vallon de Mollières, avec le village et les terrains privés, fut englobé dans le Parc National du Mercantour, lors de sa création en 1979.
Cette inclusion ne se fit pas sans protestations : les Molliérois, alors réunis en association, protestèrent vigoureusement, mais évidemment ils menaient le combat du pot de terre contre le pot de fer, car on sait bien que la volonté des citoyens a le poids d’une plume lorsque la machine étatique est enclenchée. Il ne s’agissait d’ailleurs pas que de Mollières : de nombreuses communes des hautes vallées tentèrent d’arrêter la machine, lorsqu’elles avaient une partie de leur territoire, public ou privé, souvent les deux, inclus dans le projet de Parc. De manière générale, on voyait dans l’établissement du Parc un préjudice aux multiples aspects : gel et paralysie de la propriété privée, de la libre disposition des biens, de la libre activité, instauration de règles coercitives et limitatives, d’interdictions diverses, et bien entendu aussi, de la part des chasseurs, restriction importante du droit de chasse, ces derniers étant souvent les plus virulents dans les manifestations d’opposition.
Pour ce qui concerne Mollières, il faut souligner qu’en observant une carte du Parc, le vallon constitue comme une excroissance, une poche qui déforme les contours d’ensemble du territoire du Parc ; on voit bien cette forme allongée qui descend jusqu’au Pont-de-Paule, au confluent avec la Tinée. On comprend sans peine que les concepteurs du projet étaient bien informés que le village n’était pas habité de manière permanente, qu’aucune activité économique n’y était entretenue de manière constante (on ne peut prendre en compte à cette date que l’existence de deux bergers durant la saison hors neige, qui passaient l’hivernage à Valdeblore) : de ce fait, il était facile de faire main basse sur ce territoire très intéressant du point de vue naturel, sans rencontrer d’opposition conséquente.
Quel bilan de l’opération peut-on tirer pour Mollières ? Cela est sans doute assez délicat et difficile. D’une part, il y a les contraintes et les préjudices. Le Parc a d’abord la haute main sur la construction, y compris dans le périmètre du village. S’il est impossible désormais de construire sur une propriété dans le voisinage même du village, il faut même passer par le Parc pour reconstruire une ruine ou rénover une maison. Le Parc impose ses normes jusqu’au moindre détail, murs, fenêtres, toitures, etc. Cela atteint même souvent l’aberration, lorsqu’il impose de construire en pierres apparentes (pour rendre les maisons davantage invisibles aux chamois ?), alors que l’architecture dominante du village au moment de sa destruction en 1944 était en enduits à la chaux colorée, comme dans tous les villages alpins !
Autre domaine où s’exerce la contrainte du Parc : la circulation. D’une part, en effet, un panneau extrêmement dissuasif au niveau du parking de la Vacherie de Salèzes tente plus ou moins clairement de faire barrage aux visiteurs éventuels, y compris les familles ou les amis de résidents de Mollières, au point que nombre d’entre eux n’osent pas poursuivre et font demi-tour, alors qu’il est strictement autorisé à quiconque de se rendre au village sans « autorisation spéciale », selon les termes du panneau ! D’autre part, la circulation en voiture des Molliérois eux-mêmes est sévèrement règlementée : s’ils peuvent se rendre au village, ils n’ont pas le droit de s’arrêter où bon leur semble en chemin, le long du domaine communal, qui leur appartient donc. Par exemple, il est impossible aux Molliérois de s'arrêter entre le Col Salèzes et la vacherie du Collet... Deux emplacements leur sont imposés : le Col Salèzes (pour aller randonner vers le lac Nègre ou vers les Adus, peut-être), et à mi-chemin la Vacherie du Collet ; l'arrêt est également possible, pour les Molliérois détenteurs de la carte de l'Association uniquement, entre Mollières et le Collet. De même, pour les saisons où l'accès par le haut est impossible, un stationnement obligatoire est imposé aux Molliérois vers l'usine hydro-électrique de Peyre Blanche, avec affichage d'une autorisation, lorsque les Molliérois veulent accéder au village à pied par le bas de la vallée. Quoi qu'il en soit, pour stationner aux endroits strictements définis, les Molliérois doivent afficher sur leur véhicule soit la carte d'adhérent de l'Association des Propriétaires et Résidents du Vallon de Mollières ou bien une autorisation demandée annuellement auprès des Services du Parc à Nice. Cette entrave à la libre circulation sur le territoire public et au libre accès aux propriétés ne manque pas de choquer et d’apparaître comme une inégalité au regard des droits républicains du citoyen, de même que les restrictions faites au libre usage des biens privés fonciers et immobiliers.
En somme, l’injustice ressentie - et bien réelle - face aux contraintes imposées par le Parc sont sans doute une conséquence logique de l’anomalie créée par l’englobement dans un Parc naturel d’un territoire comprenant une agglomération villageoise et un domaine privé dans sa totalité.
Néanmoins, il n’est pas impossible d’envisager des aspects plus favorables du Parc pour Mollières, le principe d’un parc naturel n’étant nullement mis en cause en lui-même, surtout dans ce type de milieu naturel, évidemment. En effet, on peut indiquer que le Parc contribue par une petite subvention à différents travaux d’amélioration du cadre, au sein du village, entraînant en même temps une participation automatique de la Commune de Valdeblore qui, sans cela, laisserait vraisemblablement Mollières à l’abandon, comme cela a été le cas durant des décennies. Le contrôle du Parc sur l’urbanisme peut quant à lui être perçu comme un garde-fou et le plus sûr moyen de conserver intact le charme de ce village, malgré certains excès évidents.
Il est pourtant un domaine où l’absence d’intervention du Parc est fortement regrettable : c’est la progression inexorable et spectaculaire de la forêt vers le village et le domaine privé. Par essaimage naturel, en effet, les arbres descendent de plus en plus et envahissent les superbes pâturages en face du village et les champs en terrasse pluriséculaires qui s’étagent au-dessus de celui-ci : cela aussi faisait partie du cadre historique et contribuait grandement au charme du site. Dans le cadre d’une attitude responsable et raisonnée de la gestion d’un Parc naturel qui englobe une agglomération villageoise, il semblerait cohérent que le Parc maîtrise l’équilibre entre milieu naturel et milieu humain et assure la protection de ce dernier, selon des principes et des méthodes qui le satisfassent. Il ne semble pas souhaitable en effet que, même au sein d’un Parc naturel, une progression incontrôlée de la nature conduise à l’annihilation complète de l’habitat préexistant, domaine foncier compris.
Cette inclusion ne se fit pas sans protestations : les Molliérois, alors réunis en association, protestèrent vigoureusement, mais évidemment ils menaient le combat du pot de terre contre le pot de fer, car on sait bien que la volonté des citoyens a le poids d’une plume lorsque la machine étatique est enclenchée. Il ne s’agissait d’ailleurs pas que de Mollières : de nombreuses communes des hautes vallées tentèrent d’arrêter la machine, lorsqu’elles avaient une partie de leur territoire, public ou privé, souvent les deux, inclus dans le projet de Parc. De manière générale, on voyait dans l’établissement du Parc un préjudice aux multiples aspects : gel et paralysie de la propriété privée, de la libre disposition des biens, de la libre activité, instauration de règles coercitives et limitatives, d’interdictions diverses, et bien entendu aussi, de la part des chasseurs, restriction importante du droit de chasse, ces derniers étant souvent les plus virulents dans les manifestations d’opposition.
Pour ce qui concerne Mollières, il faut souligner qu’en observant une carte du Parc, le vallon constitue comme une excroissance, une poche qui déforme les contours d’ensemble du territoire du Parc ; on voit bien cette forme allongée qui descend jusqu’au Pont-de-Paule, au confluent avec la Tinée. On comprend sans peine que les concepteurs du projet étaient bien informés que le village n’était pas habité de manière permanente, qu’aucune activité économique n’y était entretenue de manière constante (on ne peut prendre en compte à cette date que l’existence de deux bergers durant la saison hors neige, qui passaient l’hivernage à Valdeblore) : de ce fait, il était facile de faire main basse sur ce territoire très intéressant du point de vue naturel, sans rencontrer d’opposition conséquente.
Quel bilan de l’opération peut-on tirer pour Mollières ? Cela est sans doute assez délicat et difficile. D’une part, il y a les contraintes et les préjudices. Le Parc a d’abord la haute main sur la construction, y compris dans le périmètre du village. S’il est impossible désormais de construire sur une propriété dans le voisinage même du village, il faut même passer par le Parc pour reconstruire une ruine ou rénover une maison. Le Parc impose ses normes jusqu’au moindre détail, murs, fenêtres, toitures, etc. Cela atteint même souvent l’aberration, lorsqu’il impose de construire en pierres apparentes (pour rendre les maisons davantage invisibles aux chamois ?), alors que l’architecture dominante du village au moment de sa destruction en 1944 était en enduits à la chaux colorée, comme dans tous les villages alpins !
Autre domaine où s’exerce la contrainte du Parc : la circulation. D’une part, en effet, un panneau extrêmement dissuasif au niveau du parking de la Vacherie de Salèzes tente plus ou moins clairement de faire barrage aux visiteurs éventuels, y compris les familles ou les amis de résidents de Mollières, au point que nombre d’entre eux n’osent pas poursuivre et font demi-tour, alors qu’il est strictement autorisé à quiconque de se rendre au village sans « autorisation spéciale », selon les termes du panneau ! D’autre part, la circulation en voiture des Molliérois eux-mêmes est sévèrement règlementée : s’ils peuvent se rendre au village, ils n’ont pas le droit de s’arrêter où bon leur semble en chemin, le long du domaine communal, qui leur appartient donc. Par exemple, il est impossible aux Molliérois de s'arrêter entre le Col Salèzes et la vacherie du Collet... Deux emplacements leur sont imposés : le Col Salèzes (pour aller randonner vers le lac Nègre ou vers les Adus, peut-être), et à mi-chemin la Vacherie du Collet ; l'arrêt est également possible, pour les Molliérois détenteurs de la carte de l'Association uniquement, entre Mollières et le Collet. De même, pour les saisons où l'accès par le haut est impossible, un stationnement obligatoire est imposé aux Molliérois vers l'usine hydro-électrique de Peyre Blanche, avec affichage d'une autorisation, lorsque les Molliérois veulent accéder au village à pied par le bas de la vallée. Quoi qu'il en soit, pour stationner aux endroits strictements définis, les Molliérois doivent afficher sur leur véhicule soit la carte d'adhérent de l'Association des Propriétaires et Résidents du Vallon de Mollières ou bien une autorisation demandée annuellement auprès des Services du Parc à Nice. Cette entrave à la libre circulation sur le territoire public et au libre accès aux propriétés ne manque pas de choquer et d’apparaître comme une inégalité au regard des droits républicains du citoyen, de même que les restrictions faites au libre usage des biens privés fonciers et immobiliers.
En somme, l’injustice ressentie - et bien réelle - face aux contraintes imposées par le Parc sont sans doute une conséquence logique de l’anomalie créée par l’englobement dans un Parc naturel d’un territoire comprenant une agglomération villageoise et un domaine privé dans sa totalité.
Néanmoins, il n’est pas impossible d’envisager des aspects plus favorables du Parc pour Mollières, le principe d’un parc naturel n’étant nullement mis en cause en lui-même, surtout dans ce type de milieu naturel, évidemment. En effet, on peut indiquer que le Parc contribue par une petite subvention à différents travaux d’amélioration du cadre, au sein du village, entraînant en même temps une participation automatique de la Commune de Valdeblore qui, sans cela, laisserait vraisemblablement Mollières à l’abandon, comme cela a été le cas durant des décennies. Le contrôle du Parc sur l’urbanisme peut quant à lui être perçu comme un garde-fou et le plus sûr moyen de conserver intact le charme de ce village, malgré certains excès évidents.
Il est pourtant un domaine où l’absence d’intervention du Parc est fortement regrettable : c’est la progression inexorable et spectaculaire de la forêt vers le village et le domaine privé. Par essaimage naturel, en effet, les arbres descendent de plus en plus et envahissent les superbes pâturages en face du village et les champs en terrasse pluriséculaires qui s’étagent au-dessus de celui-ci : cela aussi faisait partie du cadre historique et contribuait grandement au charme du site. Dans le cadre d’une attitude responsable et raisonnée de la gestion d’un Parc naturel qui englobe une agglomération villageoise, il semblerait cohérent que le Parc maîtrise l’équilibre entre milieu naturel et milieu humain et assure la protection de ce dernier, selon des principes et des méthodes qui le satisfassent. Il ne semble pas souhaitable en effet que, même au sein d’un Parc naturel, une progression incontrôlée de la nature conduise à l’annihilation complète de l’habitat préexistant, domaine foncier compris.